Le chocolat Dubaï s’invite en supermarché et sur les réseaux
Il fut un temps où l’on rapportait du chocolat de Dubaï comme un souvenir précieux, soigneusement rangé dans une boîte dorée, entre les dattes fourrées et un flacon d’oud. Longtemps réservé aux boutiques haut de gamme des aéroports internationaux, le chocolat venu de l’émirat s’installe désormais en France dans nos rayons de supermarchés quotidiens. On ne l’attendait pas là, et pourtant, le voilà désormais à portée de main, entre les biscuits bretons et le chocolat noir traditionnel.
Mais le phénomène dépasse largement les simples linéaires. Il s’est répandu, aussi, sur nos écrans, porté par les réseaux sociaux, où influenceurs et consommateurs anonymes mettent en scène cette gourmandise orientale avec enthousiasme et curiosité. Une rencontre entre luxe abordable, esthétique visuelle, et plaisir de dégustation que l’on ne peut ignorer.
Une douceur venue d’ailleurs : l’essor du chocolat made in Dubaï
Évoquer Dubaï revient généralement à convoquer l’image des gratte-ciels vertigineux, des îles artificielles et des boutiques de luxe étincelantes. Rares sont ceux qui pensent spontanément au chocolat. Pourtant, au cours des dernières décennies, l’émirat s’est discrètement imposé comme un haut lieu de la chocolaterie, en empruntant aux grandes traditions européennes tout en y ajoutant sa propre touche d’exubérance orientale.
Des marques emblématiques comme Patchi, qui, bien que libanaise d’origine, est devenue incontournable à Dubaï, ou Forrey & Galland, qui revendique ouvertement son héritage français revisité à la mode du Golfe, ont transformé le chocolat en objet de désir.
Dans leurs vitrines dorées, les chocolats prennent l’allure de bijoux, enveloppés dans des boîtes laquées aux motifs orientaux sophistiqués.
Les saveurs, elles aussi, sont audacieuses : fleur d’oranger, pistache, datte, rose ou encore safran apportent une touche d’exotisme à la tradition chocolatière européenne.

Ce chocolat dubaïote s’adresse à une clientèle en quête de plaisir visuel autant que gustatif. Il raconte une histoire faite de générosité et d’opulence maîtrisée, séduisant autant par son emballage que par ses saveurs inattendues.
Des vitrines dorées aux rayons de supermarché : une arrivée remarquée en France

Si l’on pouvait autrefois admirer ces chocolats uniquement derrière les vitrines luxueuses des duty-free, leur apparition récente dans les rayons des supermarchés français comme Carrefour, Monoprix ou Franprix marque un véritable tournant.
Une démocratisation du luxe ? Pas exactement. Car si l’emballage reste clinquant, le prix demeure suffisamment accessible pour intriguer sans intimider totalement les consommateurs français.
Cette rencontre improbable entre le luxe assumé du packaging et les codes plutôt sobres des rayons français n’est pas sans provoquer quelques réactions contrastées. Si certains consommateurs sont immédiatement séduits par cette nouveauté, d’autres restent plus réservés, presque déroutés par ce mariage inhabituel entre extravagance orientale et accessibilité quotidienne.
Cela pose également la question de notre rapport au luxe et à la consommation : sommes-nous prêts à adopter ces codes de consommation venus d’ailleurs ou restons-nous attachés à une certaine sobriété, une simplicité toute française, même lorsqu’il s’agit de gourmandise ?
Réseaux sociaux et chocolat : un duo devenu viral
Le chocolat Dubaï n’aurait probablement jamais quitté la niche des initiés sans l’aide des réseaux sociaux. TikTok, Instagram et YouTube sont devenus ses principaux ambassadeurs.
Les vidéos virales se multiplient, montrant des influenceurs et des anonymes ouvrant délicatement ces tablettes et dégustant des morceaux devant des milliers d’abonnés fascinés.

Les vidéos « unboxing » sont devenues une catégorie à part entière, mettant en scène le plaisir esthétique du chocolat plus encore que son goût. Des influenceuses issues des diasporas orientales en Europe ont largement contribué à populariser ces tablettes, les présentant comme une manière de renouer avec leurs racines culturelles tout en les partageant largement à leurs followers de toutes origines.
La clé de ce succès réside aussi dans la photogénie parfaite de ces tablettes. Le chocolat Dubaï n’est pas seulement bon à manger, il est bon à montrer, incarnant à merveille l’idée d’un luxe abordable et visuellement gratifiant, idéal pour une génération habituée à partager ses expériences en ligne.
Un goût différent ? Quand l’expérience gustative interpelle les Français
Au-delà de l’effet visuel et marketing, le chocolat Dubaï soulève également la question fondamentale du goût. Les Français, réputés exigeants en matière de chocolat, s’interrogent : ces saveurs exotiques tiennent-elles leurs promesses ? Les retours, partagés en ligne ou dans des cercles amicaux, varient grandement.

Certains consommateurs apprécient les parfums originaux et audacieux comme le safran, la rose ou la pistache, se réjouissant d’une telle variété dans un produit de grande surface.
Pour d’autres, le goût trop sucré, l’intensité aromatique inhabituelle ou simplement l’écart avec le chocolat noir traditionnel français constituent un frein.
Cette confrontation gustative révèle en réalité une véritable rencontre culturelle, parfois délicate, entre deux visions du chocolat. D’un côté, un produit gourmand, généreux, presque pâtissier dans son approche. De l’autre, une approche française plus puriste, valorisant souvent le cacao brut et une certaine austérité savamment maîtrisée.
Que dit ce phénomène de notre rapport à la mondialisation gourmande ?
La popularité soudaine du chocolat Dubaï n’est pas qu’un effet de mode isolé. Elle raconte quelque chose de plus profond sur notre rapport actuel à la consommation mondialisée. Nous ne nous contentons plus seulement de saveurs familières : nous recherchons une expérience, un récit, une escapade gourmande facile d’accès.
Cette tendance reflète également notre appétit grandissant pour l’exotisme accessible, cette envie d’intégrer dans notre quotidien des fragments d’ailleurs, jusqu’à modifier subtilement nos habitudes alimentaires. L’explosion des contenus sur les réseaux sociaux accentue cette dynamique, nous offrant des voyages culinaires par simple effet de scroll, sans même avoir besoin de quitter notre canapé.
Une tablette de chocolat… ou un miroir de nos envies ?
Finalement, cette tablette de chocolat venue du désert est peut-être bien davantage qu’une simple friandise. Elle nous interroge sur nos désirs contemporains : recherche d’évasion à portée de main, aspiration à un luxe quotidien, fascination pour ce qui est visuellement séduisant et émotionnellement réconfortant.

Alors, devons-nous considérer ce phénomène avec scepticisme, enthousiasme ou simple curiosité ? Probablement un peu des trois. Le chocolat Dubaï, au-delà de son emballage étincelant, constitue surtout un révélateur de notre époque. Une époque où l’ailleurs s’invite à domicile, non plus comme une exception rare, mais comme un plaisir quotidien, accessible à tous, au détour d’un rayon de supermarché ou d’un écran de smartphone.